Dorian Canton matador de toros. Le jeune novillero béarnais de dix huit ans a été consacré matador de toros ce mardi soir à Villeneuve-de-Marsan.
Le Bas-Armagnac en lieu et place de la côte basque, un écrin de verdure en lisière de forêt plutôt que Lachepaillet et les allées Paulmy, imbroglio et rebondissement dans cette cérémonie d’adoubement, cela après l’annulation de l’alternative initialement prévue le 27 juillet à Bayonne mais qui avait dû être reportée en raison de la pluie. Il a donc été intronisé Dorian Canton par le matador espagnol d’Albacete, Ruben Pinar, en présence du torero gascon Thomas Dufau, lui même originaire d’un petit village à portée de palombe du toril, tout cela devant une arène comble. On a même vendu des places debout ! C’est la première fois dans l’histoire de la plaza de Villeneuve que l’on affiche le « no hay billetes », plus de billet ! L’alternative qui a attiré il est vrai une importante congrégation béarnaise.
Canton héritier
Dorian Canton est le chaînon d’une histoire autrefois insensée et inimaginable.Canton, né à Pau, réside à Asson, petite commune près de Nay en Béarn. Il est entré à neuf ans à l’école taurine de Richard Milian à Cauna près de St Sever. C’est là qu’il a été formé. Canton pour qui cette cérémonie particulière, explique t- il, n’est qu’une étape, un début, surtout pas une fin. Canton formé par Richard Milian, brillant matador des années 80, Canton qui à son tour devient matador, c’est l’histoire, la longue histoire de la tauromachie française qui se perpétue. Jusqu’à il y a cinquante ans trois gaulois seulement avaient été consacrés. Felix Robert, Pierre Pouly et Pierre Schull. Mais aussi respectable que fut leur aventure il a fallu attendre la fin des années soixante pour qu’un phénomène naisse. Il y a un demi siècle Simon Casas et Alain Montcouquiol allaient donner du sens à leurs rêves d’adolescents en rupture. Le fils d’un juif polonais et d’une sépharade débarquée d’Istanbul, l’ainé d’un officier supérieur héros de la résistance qui n’avaient comme point commun que de vivre à Nimes ont jeté la base de ce qui allait devenir une certitude pour plusieurs générations. Il faut se souvenir qu’à cette époque Casas et Montcouquiol passaient dans le milieu taurin, au mieux, pour deux doux utopistes, au pire pour de dangereux séditieux. Sans eux, sans leur audace tenace, pas de Nimeño, de Frédéric Pascal, de Robert Piles, de Meca, de Loré, de Castella, de Juan Bautista. Ces deux derniers validés mondialement comme toreros majeurs de leur génération. Sans eux pas de Dufau des Landes non plus. Dorian Canton est le dernier maillon de la chaine, le neuvième matador du sud- ouest également après Viard, Lagravère, Martins, Cañada, Lescarret, Dufau, Guillon et Adoureño.
La corrida de présentation honorable n’a pas eu le rendu espéré et a gâché la fête. Exception faite du bon deuxième exemplaire qui a permis à Ruben Pinard de couper deux trophées, le reste de la course a manqué de force et de caractère. Terriblement. Thomas Dufau en sait quelque chose bien mal servi qu’il a été. Dorian Canton est entré en piste dans un somptueux costume immaculé crème anglaise et or. 19h19, le premier Laugier du béarnais entre en boitant. Il est changé pour un autre exemplaire du même élevage. Nouveau retard à l’allumage, après la pluie de Bayonne, la chute du toro, Canton, tricard à la chance ! Enfin à 19h30 le gamin d’Assom devient matador. Il offre sa première faena à son père et à sa famille. L’émotion est discrète, contenue. Canton, humble, n’est pas un extraverti. Et par ailleurs il sait que le plus dur commence. En l’occurrence deux toros sans charge, son dernier faiblissime, même ! Deux heures plus tard, sous les lampions, Dorian Canton sort sous l’ovation compatissante. La fête a été altérée par un mauvais lot. Le reste de l’histoire désormais est à écrire pour le jeune béarnais. Le torero des montagnes est encore à construire.